Le Blog Noir de L'Agriculture
Le système productiviste et les élevages intensifs font-ils le bonheur des producteurs et des consommateurs?
Le système productiviste et les élevages intensifs font-ils le bonheur des producteurs et des consommateurs?
11 Mars 2012
Dans cette interview, monsieur François Romon, 87ans, agriculteur à la retraite à Salomé, nous fait part de son avis sur l'évolution de l'agriculture. Mercredi 7 mars 2012.
Vous qui êtes passé d'une agriculture vivrière dans les années 30 à une agriculture où l'on pronait l'utilisation des pesticides dans les années 60/70 puis une intensification des élevages et des exploitations; comment avez-vous vu tout cela évoluer?
Petit à petit, dans les fermes, il y avait 4 vaches, on élevait 5 ou 6 cochons, des poules...Mais après 1945/1946 ce sont devenus des élevages plus industriels: Il y avait des porcheries de 40 cochons, des étables des 25/30 vaches et ça a toujours augmenté au fil des années. La grosse évolution est apparue au lendemain de la seconde guerre mondiale: il fallait nourrir le monde, il manquait beaucoup de nourriture. On avait des primes sur le blé; un producteur avait des avantages suivant les kilos de blé qu'il founissait.
Après 1940, les fermes vivaient avec leurs cours. Le maximum dans une ferme était 100hectares, mais il n'y avait pas de bêtes, c'était de gros céréaliés, bétraviés...Mais il faut dire que tout cela a démarré avec la mécanisation, les tracteurs.
Est-ce que ces étapes ont eu des conséquences dans votre manière de travailler, votre mode de vie, les ventes..?
Oui, biensure. Après 1950, on a fait des coopératives. Avant il n'y avait pas de paperasse, les agriculteurs n'avaient pas de déclaration à faire comme maintenant. Petit à petit on a du tout déclarer.
Comment les entreprises qui produisaient les pesticides vous ont présenté leurs produits dans les années 60/70?
Les pesticides ont été inventé pour les mauvaises herbes. Avant cela, un agriculteur semait à la route et il arrachait tout à la main, après 1950 on a commencé à tout traiter; ce qui n'était pas une bonne chose car en traitant ne détruisait pas que les mauvaises herbes.
Quand ils nous présentaient les produits, c'était comme une méthode révolutionnaire, ils ne nous mettaient pas au courant du danger qu'il y avait pour nous comme pour les consommateurs et l'environnement, tout était une question d'argent. A cette époque là, un agriculteur ne prenait pas de précaution, aujourd'hui ils ont de grandes combinaisons et ils ne touchent même plus leur pesticides. Les pesticides sont mélangés automatiquement dans les nouveaux appareils de traitement.
En quelle année avez-vous commencé à traiter?
En 1960, on a commencé à traiter les céréales.
Que pensez-vous des propos du directeur de communication de l'entreprise Syngenta, je cite: "Les pesticides ne sont pas dangereux, ce sont les agriculteurs qui les utilisent mal."
Les pesticides sont dangereux, cela reste des produits chimiques. Mais c'est vrai qu'à l'époque un agriculteur ne faisait pas attention aux doses et en mettait beaucoup trop; on mettait 1000litres d'eau, on devait mettre 250 grammes de pesticides, certains agriculteurs en mettaient 500grammes... Là, forcemment ça devenait vraiment dangereux.
Est-ce que l'achât des pesticides représentait une grosse partie de vos dépenses?
Oui, mais ça s'équilibrait avec le prix de revient de se que l'on produisait. Si on en utilisait plus, on produisait plus, on gagnait plus mais le prix de reviens des pesticides était plus chère. Donc on avait a peu près le même bénéfice qu'à produire avec moins de pesticides. Avant 1940, un agriculteur était pratiquement indépendant; il avait deux chevaux, le maréchal férant.. Les chevaux étaient nourris avec l'avoine que l'on produisait et le foin que l'on produisait.
Si on avait continué cette agriculture, encore aujourd'hui, on pourrait y arriver?
Ca serait difficile, on a triplé les productions. Maintenant on fait pousser des fraises en hiver, dans des serres, avec beaucoup de pesticides. Les endives, dans les grandes salles de productions, sont traitées sans arrêts; elles poussent dans l'eau!
Dans le temps, on mangeait les légumes de production par période: on ne mangeait pas d'endives au mois de juin, on ne mangeait pas de fraises en janvier...
Est-ce que l'usage des pesticides étaient rentables à votre époque?
Oui, sans les pesticides, on aurait eu besoin de beaucoup de main d'oeuvre pour arracher les mauvaises herbes. Le coût de la main d'oeuvre n'a pas cesser d'augmenter. Si les pesticides ne sont pas rentables aujourd'hui, c'est qu'on en utilise beaucoup trop.
Mais, ce n'est que du bénéfice pour les entreprises: avant un agriculteur mettait deux mesures de blé pour faire du blé de semence. Aujourd'hui, il doit tous les ans renouveler les graines de semence, donc passer par une entreprise.
A quel moment a-t-on décidé de construire des porcheries fermées, de grand batiments pour les bêtes..?
Après 1980/1990, un grand élevage faisait 100 vaches et 200 cochons. Aujourd'hui les petits élevages font 900porcs. C'est devenu de l'usine.
Aviez-vous , par rapport à la moyenne nationale, une exploitation petite ou moyenne?
Une petite exploitation, familiale. On vivait bien, correctement, mais on ne dépensait pas d'argent inutilement. On était complétement indépendant, on produisait tout nous même. C'était rentable quand même.
Si vous étiez encore agriculteur aujourd'hui, pensez-vous que cela serait encore viable?
Non, je n'aurais même pas supporté les changements. Il y a beaucoup moins d'exploitations aujourd'hui, les petites n'existent plus.
Si un paysan qui prône ce système , c'est qu'il a su s'enrichir d'année en année, et a une exploitation assez immense pour en vivre.
Aujourd'hui on enlève les pommes de terre au mois d'octobre pour qu'elles grossissent le plus possible. Avant, à la rentrée des classes, on avait déjà tout enlevé.
Pensez-vous que l'on peut se rattraper aujourd'hui?
Non, on ne reviendra pas en arrière, il y aura de plus en plus de monde sur terre, une partie mourra de faim. Les pays riches produisent dans d'autes pays, le sénégal par exemple, ce pays produit pour nous, mais pas peur eux. On ne pourra pas revenir à une agriculture de bon sens, cela coûte trop chère, les gens ne sont pas prèt à payer trois fois le prix d'un légume. Le progrès n'est pas toujours une bonne chose.